Dans sa thèse publiée sous le titre Tradition and Theology in St. John Cassian (Oxford 2007) et surtout dans un article « Rehabilitating John Cassian. An Evaluation of Prosper of Aquitaine’s Polemic against the “Semipelagians” » (Scottish Journal of Theology, 58.3 [2005]), Augustine M.C. Casiday a admirablement montré comment la critique, presque totalement dénuée de fondement, que Prosper d’Aquitaine avait faite de la Collatio XIII de Cassien dans son Contra collatorem avait été déterminante pour l’ensemble de la réception de Cassien et comment elle avait contraint tous les lecteurs de l’ascète marseillais à accepter un filtre de lecture qui les conduisait immanquablement à considérer Cassien comme hétérodoxe, ou à tout le moins digne de soupçons. En démontant toute l’argumentation de Prosper dans le Contra collatorem, A. Casiday a mis en évidence la mauvaise foi du disciple d’Augustin et a ainsi pu “réhabiliter”, par une analyse très fine de sa théologie, la pensée de Jean Cassien, alors que même les derniers spécialistes de Cassien n’avaient pu se détacher de la censure prospérienne.
Mais tandis que, en matière de grâce et de libre arbitre, l’orthodoxie de la doctrine d’Augustin et la déviance de celle de Cassien n’étaient remises en doute par personne, il s’est trouvé déjà, à la fin du Moyen Âge (dans les années 1470-1480), un franciscain toscan, Marco Michele, professeur de théologie et de philosophie à Cortona, pour tenter – c’est le premier exemple que nous en ayons – une véritable “réhabilitation” de Cassien : grand érudit, il a cherché à offrir à son monastère des copies des textes en questions (les Collationes et le Contra collatorem), tout en y ajoutant de sa main des préfaces, des commentaires, mais il s’est aussi adonné à la rédaction d’une œuvre originale : le Liber aduersus errores sancti Iohanis Cassiani, qui recense les points de la doctrine entière de Cassien qui ont été critiqués, pour prendre souvent sa défense.
Cette œuvre n’ayant encore fait l’objet d’aucune étude et étant même restée inédite (j’en prépare une édition critique), je me propose de présenter cette réflexion et ce travail incroyablement novateurs de Marco Michele sur Cassien sous l’angle de la réception difficile de la Collatio XIII, en étant attentif à l’aspect sans doute pédagogique du traité.
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