Pierre Descotes: La correspondance entre Augustin d'Hippone et Nectarius : un duel diplomatique et littéraire

En 408, Nectarius, un notable païen de Calama, écrit à l’évêque d’Hippone pour lui demander, de manière bien maladroite, d’intercéder auprès des autorités impériales en faveur de ses concitoyens, qui s’étaient rendus coupables d’exactions graves envers la communauté chrétienne de la ville. L’échange de lettres qui s’ensuit (epistulae 90, 91, 103 et 104 dans la correspondance d’Augustin) permet à l’évêque d’Hippone de préciser sa vision des responsabilités concrètes d’un évêque en temps de crise, mais également de livrer une esquisse de certains des thèmes majeurs de la Cité de Dieu : on trouve en effet déjà dans nos lettres l’usage polémique virtuose des auteurs latins profanes (Cicéron, Virgile, Térence, Salluste) qui parcourt les premiers livres du De ciuitate Dei, ainsi qu’une réflexion profonde sur les rapports qu’entretiennent la cité terrestre et la cité céleste, mais aussi l’Eglise et l’Empire. Dans ces lettres méconnues, on perçoit une esquisse de ce qui constituera le cœur, littéraire et théologique, de la Cité de Dieu – et c’est toute la richesse de la correspondance que de nous laisser percevoir la pensée d’Augustin encore à l’état d’ébauche, et en construction.