Le mystère de l’origine de l’âme a toujours constitué pour Augustin un problème particulièrement ardu : l’évêque d’Hippone n’eut de cesse de répéter qu’il y avait là une question périlleuse, dépassant probablement les capacités de l’entendement humain, et qu’il valait mieux ne pas prétendre lui apporter de réponse, plutôt que de risquer de tomber dans l’hérésie. Loin de l’image du docteur fort sévère que la postérité nous a léguée, saint Augustin apparaît en ce domaine bien peu dogmatique, et fort indécis. Paradoxalement, c’est justement cette hésitation fondamentale dont l’évêque d’Hippone ne sera jamais parvenu à se débarrasser, qui fait l’intérêt et la richesse de ses textes sur l’origine de l’âme – et c’est ce que nous voudrions montrer en mettant en regard deux lettres dans lesquelles Augustin met en garde ses correspondants. Deux lettres (epistulae 166 à saint Jérôme et 190 à l’évêque Optat) dont l’intention est semblable et la structure parallèle, qui reprennent les mêmes arguments et les mêmes exemples – et pourtant deux textes que, sur un plan littéraire, tout oppose. Car entre le ton didactique et presque cassant de la lettre 190, et l’attitude respectueuse qu’Augustin adopte dans sa lettre à Jérôme, la différence est considérable ; et cet écart illustre tant la richesse du corpus épistolaire augustinien, que le dilemme face auquel le problème de l’origine de l’âme a placé Augustin, qui ne désespérait pas de parvenir un jour à une solution satisfaisante et orthodoxe, mais craignait par-dessus tout que ses correspondants – et lui-même – ne tombent dans l’erreur. Cette rivalité entre prudence du pasteur et ambition intellectuelle du théologien offre au lecteur de la correspondance des textes riches et variés, tant sur le plan théologique que littéraire, et qui méritent d’être davantage étudiés et mieux connus.
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